Actualit� du dopage

Festina R�v�lations : mais jusqu'o� vont-ils aller ?


27/10/2000 - humanite.fr - Jean-Emmanuel Ducoin

Proc�s Festina. Quatri�me journ�e d'audience au tribunal de Lille. Le grand d�ballage continue, les noms les plus prestigieux du peloton sont mis en cause.

Avec les t�moignages de Thomas Davy et Erwan Menth�our, on parle cette fois de la Fran�aise des Jeux. Mais nous restons au centre des pratiques du peloton. M�me l'�quipe espagnole Banesto est accus�e. Compte rendu.

Il est 18 h 30. Dehors, le jour commence � peine � s'�vanouir, mais on ne le voit pas. Dedans, dans cette salle qui vit au rythme, comme le dit si bien Thibault de Montbrial, l'avocat de Bruno Roussel, " de deux �quipes dop�es par jour ", Erwan Menth�our et Jeff D'Hondt sont � la barre. Le premier, ex-coureur de la Fran�aise des Jeux (FDJ), est l� pour parler, fid�le � son habitude depuis qu'il a quitt� " le milieu ", " la famille ".

Celui qui se tient � ses c�t�s, Belge de nationalit�, fut le soigneur de la FDJ. L'audience touche � sa fin. Erwan Menth�our se rapproche de Jeff D'Hondt et dit : " Monsieur le pr�sident, je ne sais pas si je peux... (Il regarde le pr�sident puis s'adresse alors directement � son ancien soigneur.) Jeff, regarde-moi dans les yeux. Tu ne m'as jamais fait d'injections ? "

- Non, r�pond l'autre.

- Non ?

- Non.

- J'esp�re que tu pourras encore te regarder dans une glace demain matin, r�plique, la voix tremblante, Menth�our.

Cette sc�ne r�sume � elle seule la nature et l'importance des d�bats. Toute la journ�e, l'ex-soigneur s'est obstin� � nier l'�vidence. Pourtant c'est un vieux de la vieille. Excusez du peu : depuis 1966, il est dans le milieu. Il est pass� un peu partout, chez Flandria, Peugeot, Telekom. Il a " soign� " un peu tout le monde, Maertens, Zoetemelk, Pollentier, et plus r�cemment, Heulot, Ullrich, Zabel...

Tiens, Erik Zabel, le sprinter allemand. Dop� Zabel ? " Non, monsieur le pr�sident ", r�pond-il. C'est ce qu'il dit. Puis il se prend les pieds dans le tapis tout seul en ajoutant : " Mais il a �t� positif deux fois... " Oui, mais Jeff, voyez-vous, n'a " rien vu et rien donn� ". Tout juste admet-il avoir " entendu parler de l'EPO, en 1992, pour la premi�re fois ". Le pr�sident Daniel Delegove en plaisante presque : " En somme, vous �tes un miracul� du v�lo ! " Le pr�sident continue : " Faisiez-vous des piq�res quand vous �tiez � la FDJ ? " R�ponse : " Oui, rarement. Sur ordre du docteur. Mais c'�tait des produits de r�cup�ration. Rien d'autre. " (...)

Alors, toute l'apr�s-midi, chacun s'emploie � d�monter les pauvres arguments de cet homme grisonnant de cinquante-huit ans. Et au passage, tous d�montent un peu plus le cyclisme dans son ensemble, et ses pratiques mafieuses en particulier. La grande braderie du jeudi commence avec Thomas Davy (...). En 1997, il ne reste que quelques mois � la FDJ, avant de tout balancer, le dopage avec. Il raconte : " Chez Casto, d�j�, je recevais des cortico�des, donn�s par le m�decin de l'�poque, le Dr M�gret " (1). Il parle timidement, pioche souvent dans sa m�moire, h�site, mais sait ce qu'il avance. Le monde du v�lo lui a fait savoir qu'il d�rangeait, lui " l'�tudiant " comme on l'appelait, pour finalement le rejeter. Forc�ment : il a men� � bien un DESS de management du sport. Avant de d�barquer dans l'�quipe dirig�e par Marc Madiot, il donna un coup de main dans l'�quipe espagnole du roi Miguel Indurain. Et boom ! Il affirme : " Il y avait aussi du dopage chez Banesto. Oui, de l'EPO. Tout le monde y passait, je le pense. " � cet instant, le nom est pratiquement l�ch�, le pr�sident souffle sur les braises gentiment. C'est presque dit, mais sugg�r� tellement fortement : Miguel Indurain le quintuple vainqueur du Tour aurait �t� dop�. Une bombe. Une de plus.

Ce n'est pas fini. Marc Madiot, le c�l�bre directeur sportif de la Fran�aise de Jeux, vainqueur de Paris-Roubaix � deux reprises, est taill� en pi�ces. Litt�ralement. Thomas Davy : " J'ai pris de l'EPO � la FDJ. Jeff D'Hondt m'en a fourni. J'�tais demandeur. Madiot �tait conscient de ce qui se passait, il n'avait pas recrut� ce soigneur par hasard. " Thibault de Montbrial, l'avocat de Bruno Roussel, boit du petit lait. " Le proc�s, monsieur le pr�sident, avance � deux �quipes dop�es par jour. Il est dommage que M. Madiot ne soit pas cit� comme t�moin, surtout sous serment, cela aurait �t� int�ressant. "

Erwan Menth�our, bien droit dans sa veste de cuir, ach�ve le d�ballage d'automne d'une voix limpide et ambitieuse. Lui aussi conna�t son affaire, il a �t� " chop� " sur Paris-Nice, en 1997, avec un taux d'h�matocrite sup�rieur � 50 %. Il l'assure avec force : " Madiot est un v�ritable faux-cul. Il ne voulait pas prendre la responsabilit� du dopage, c'est tout. C'est Jeff D'Hondt qui me piquait et Madiot le savait. "

- Et comme coureur, pensez-vous que M. Madiot se dopait ? demande le pr�sident.

- Il �tait avec Jeff D'Hondt chez Telekom, il avait du savoir-faire, r�plique Menth�our. D'Hont �tait " monsieur dopeur ", c'est pour �a que Madiot l'a embauch�. C'�tait pour sa qualit� de dopeur. "

(...)

M�me les noms les plus c�l�bres de ces derni�res ann�es apparaissent directement ou indirectement � la barre : Armstrong, Pantani, Ullrich, Riis, Indurain, Delgado, Roche... que des vainqueurs du Tour. Erwan Menth�our, qui avouera avoir re�u des menaces venues d'Italie parce qu'il voulait citer un m�decin c�l�bre dans un livre, confesse toutefois, en se tournant vers Bruno Roussel : " Beaucoup de coureurs voulaient aller chez Festina, parce que c'�tait la politique du moins pire. Bruno a organis� le dopage pour prot�ger les coureurs d'eux-m�mes. Car un coureur, face � lui-m�me, il a toujours le choix. Brochard et Herv� �taient des grands gar�ons. "

Et il d�clare solennellement : " Dans toute ma carri�re, je n'ai connu que deux ou trois coureurs qui ne prenaient rien... "


(1) Il est d�sormais le m�decin officiel de la F�d�ration fran�aise de cyclisme.


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Cette page a �t� mise en ligne le 12/04/2020


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